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La Nouvelle-Calédonie ou le Caillou gaulois sur terrain de jeu anglo-américain (7/7)

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La recomposition géopolitique dans le Pacifique bouleverse les équilibres traditionnels. L’alliance AUKUS entre l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis a non seulement écarté la France de la scène régionale, mais a également renforcé l’influence américaine sur l’Australie. Tandis que Pékin et Canberra apaisent leurs tensions commerciales, Paris voit s’éloigner ses rares leviers dans la région. L’accession à l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie, dans un tel contexte, serait le coup de grâce infligé à la France et la victoire finale des États-Unis. 

Guerre économique franco-américaine et rapprochement sino-australien

L'Australie et la Chine sont deux partenaires commerciaux
Malgré la crise de l’AUKUS, en 2024, la Chine et l’Australie ont dégelé leurs relations diplomatiques et commerciales.

Grâce à l’AUKUS, les États-Unis ont  accru leur influence sur l’Australie. Cela, tout en retirant à la France une influence de poids dans le Pacifique. Plus que l’expansionnisme chinois, il semble davantage que c’est la présence diplomatique, militaire et commerciale de la France que les Américains visaient. Face à l’alliance de l’AUKUS et au réchauffement des relations sino-australiennes, Paris a tout perdu dans cette affaire.

En effet, dans son malheur suite à la crise de l’AUKUS, la France, en tant que premier exportateur européen d’orge, avait pu profiter des tensions diplomatiques entre Pékin et Canberra pour exporter la majorité de sa production en Chine, en lieu et place de l’Australie. Le réchauffement des relations diplomatiques entre la République populaire de Chine (RPC) et le Commonwealth d’Australie lui ont également fait perdre ce lot de consolation.

L’alliance  de l’AUKUS et relations sino-australiennes

En novembre 2023, le Premier ministre australien s’est rendu à Pékin. À la suite de cette visite, la Chine a levé des droits douanes prohibitifs qu’elle avait imposé sur l’orge australien. Puis, en mars 2024, c’est le ministre chinois des Affaires étrangères qui s’est rendu, à son tour, à Canberra. D’ailleurs, pour 47 % de la population australienne interrogée sur ce sujet, l’alignement systématique de l’Australie sur les États-Unis en cas de conflit, dans le cadre de l’accord AUKUS, est davantage une préoccupation, que celui d’un hypothétique affrontement avec la Chine.

L’Australie est désormais dans une situation de dépendance militaire et sécuritaire, vis-à-vis des États-Unis. Cette situation est hautement comparable à celles du Japon, de la Corée du Sud ou encore de la province autonome de Taïwan. Le gouvernement australien risque, lui aussi, de devoir ménager ses relations commerciales avec la Chine, pour ne pas froisser son protecteur américain.

La Nouvelle-Calédonie désarmée face à la Chine, comme face à l’AUKUS

C’est à l’aune de tout ce que nous avons analysé jusqu’à présent, qu’il faut désormais considérer la question de l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie. Ses sous-sols sont riches en nickel. Géographiquement, elle est idéalement située au carrefour des routes maritimes de la région. Elle ne pourra donc nullement être à l’abri des influences des grandes puissances régionales. À l’instar de la Corée du Sud, du Japon, de l’Australie, et de l’État autonome de Taïwan, cet archipel risque de se retrouver, à son tour, vassalisée par la puissance américaine. Faute de quoi, elle tomberait certainement dans l’escarcelle chinoise.

De surcroit, contrairement à la province autonome de Taïwan, pour ne citer que celle-ci, l’économie néocalédonienne repose essentiellement sur l’exploitation minière. Il s’agit d’un secteur de très faible valeur ajoutée. Ce qui rendrait cet archipel d’autant plus perméable à l’influence américaine face à la potentielle menace chinoise. Taïwan, lui, se distingue par l’exceptionnelle qualité de sa production de semi-conducteurs. Dans une logique de guerre hors limites, il pourrait alors potentiellement jouer la carte de la terre brûlée, en cas d’invasion chinoise. Stratégie dont nous ne pouvons, d’ailleurs, plus être tout à fait certains qu’elle porterait ses fruits. En effet, TSMC a délocalisé une partie des ses chaînes de production aux États-Unis. Comparativement au cas de Taïwan, nous percevons d’autant moins les mécanismes de défense qui s’offriraient à une Nouvelle-Calédonie devenue souveraine.

Entre protectorat américain et menace chinoise

Toutefois,  il serait absurde de reprocher à Washington de se réjouir de voir Paris perdre ses possessions néocalédoniennes. D’autant plus, lorsque l’on se souvient des mots qui furent ceux de l’une des figures incontournables de la Ve République. En effet, le Général de Gaulle, que tout un chacun est libre d’apprécier ou de déprécier autant qu’il veut, s’attelait à rappeler qu’avoir des amis était le propre de l’Homme. Les États étaient cantonnés, eux, à n’avoir que des intérêts. Pragmatiquement parlant, les Américains ne font donc que jouer la carte qui est la leur, dans le cadre des rapports de force franco-américains qui se jouent au sein du Pacifique.

Dans le cadre des luttes d’influence et d’accaparement des marchés en zone Pacifique,  la Nouvelle-Calédonie est un atout et une arme de guerre militairement et économiquement stratégique pour les Français. Aux yeux des Américains, elle fait office de butin de guerre convoité et le moyen de porter atteinte à l’influence française en Indo-Pacifique. Toutefois, la Nouvelle-Calédonie, elle-même, en tant que nation souveraine, n’est nullement apte à remporter une quelconque guerre. De 1853 à 1945, son rattachement à la France contrariait le commerce anglais. Depuis 1945, ce Caillou fait office d’obstacle aux intérêts et à la stratégie américaine au sein du Pacifique. L’indépendance néocalédonienne sonnerait le glas de l’existence du vieux Caillou gaulois sur un terrain de jeu devenu essentiellement américain. Ainsi, au regard de la situation, tout laisse à penser que le processus d’indépendance néocalédonienne ne serait donc, de facto, qu’un transfert de propriété entre la France et les États-Unis.

Sources:

  • Laïdi, Ali, 2016, Histoire mondiale de la guerre économique, Perrin

7/7

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Yoann Lusikila

Yoann Lusikila est diplômé de science politique à l'Université de Lausanne. Il s'est spécialement intéressé aux enjeux de sécurité internationale, et de guerres économiques, à l'aune de la globalisation économique.

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